Les mots / Du bruit au silence
LES MOTS / DU BRUIT AU SILENCE
Quand j’ai commencé à travailler en Moselle en apprentissage comme vendeuse-étalagiste l’atmosphère etait calme et j’ai appris le dessin en créant des affiches. Ensuite, j’ai habité dans les Vosges et j’ai travaillé dans un supermarché comme caissière puis comme responsable de rayons : bagages, pêche et loisirs.
Il y avait du vacarme : les clients qui se promenaient dans le magasin ; le micro qui diffusait des réclames et de la musique. Dix heures de travail par jour, c’était fatigant pour les nerfs.
Jai arrêté de travailler pour m’occuper de mon compagnon malade et quand je l’ai perdu, j’ai perdu aussi tout espoir. Cependant, la vie a continué ; j’ai recherché un emploi, en vain.
Mon frère, Pascal, m’a alors accueilli dans la région toulousaine. J’ai fait plusieurs métiers pour gagner ma vie. J’ai travaillé dans un restaurant à faire "la plonge", le ménage et le repassage. c’était très bruyant : les clients, les personnels ...je me rapelle, le vacarme des assiettes et ustensiles qui s’entrechoquaient.
Le paradoxe
Puis est arrivé le 22 septembre 2003 ; j’étais en vacances. je m’étais rendue à un vide-grenier dans la journée pour me changer les idées : j’étais bouleversée à la suite d’une "dispute" avec la fille d’une amie que j’hébergeais...
Dand la nuit, je me suis réveillée...et le cauchemar a commencé : j’étais dans l’incapacité de me mouvoir, mes jambes étaient paralysées et je ne sentais que la moitié gauche de mon corps. J’ai été prise de panique. Je voulais crier "à l’aide, à l’aide !" mais je ne pouvais articuler aucun son. Le téléphone était loin de moi. J’étais seule et j’ai attendu la mort. Au matin, j’ai entendu le téléphone sonner, frapper à ma porte et appeler. C’était une voisine ; elle a alerté les pompiers ; j’ai encore attendu longtemps, quelques heures. Enfin les secours sont arrivés- quel soulagement. Les pompiers ont enfoncé la porte. Le médecin m’a examiné. Il a posé le diagnostic : accident Vasculaire cerebral !
On m’a conduite aux urgences de l’hopital Rangueil. J’ai été admise dans le service de neurologie et y suis restée environ un mois. L’infirmière référente décidait les horaires de mon programme-séances avec le kiné, les ergotherapeutes et l’orthophoniste.
Au mois de mars 2004, le professeur Boissezon signa mon bulletin de sortie. les miens(famille et connaissances) avaient porté mes meubles dans un appartement au rez de chaussée ; j’habitais auparavant au 3e étage sans ascenseur.
Ma belle-soeur, Catherine, s’occupe des relations avec les administrations(Cotorep, banque...). Mon Frère installa tout le confort dans mon logement en tenant compte de mon handicap (téléphone, alarme, télévision, équipement de baignoire...)
je relevais d’un AVC, je m’en tirais à bon compte, j’étais vivante. Je craignais la solitude après le brouhaha de l’hopital, le bruit des pas hâtifs dans le couloir, les visites des infirmières. J’étais angoissée dans ce calme et cette tranquillité. Dans l’appartement, je regardais par la fenêtre, les gens, les oiseaux(mésanges, pigeons), la nature.
Au début je me suis occupée en arrangeant mes meubles ; j’écoutais la télévision, la radio, je vivais avec mon chat Maguy. Elle sentait mes pensées secrètes. Elle venait vers moi quand j’étais triste. Quand je m’installais dans le canapé pour regarder des fims, elle se faufilait dans la manche de mon pull, elle se blottisait contre moi en ronronnant. Elle était ma confidente.
C’était plus difficile avec les gens à cause de la communication : on me parlait fort comme si j’étais sourde. J’ai fait de l’orthophonie pendant quelques mois. J’ai essayé de lire et écrire un peu toute seule mais c’était difficile. J’étais triste, je ne pouvais pas parler ; je voyais moins mes amies. je me suis renfermée sur moi-même, je me sentais déprimée, comme morte. Mon entourage s’en est apercu et après en avoir parlé avec mon médecin, j’ai repris un travail orthophonique au début de l’été 2004.
Ma belle-soeur, caty, m’a "broostée" et ça a réveillé un réflexe de survie en moi. Je me suis beaucoup investie dans le travail orthophonique. avec de nouvelles possibilités de communiquer, je suis revenue à la vie, une vrais renaissance. j’avais moins peur de sortir et de rencontrer d’autres personnes.
Au cours de l’année 2006 j’ai rejoint le groupe des aphasiques "Tchatcheurs du Toulousain". Caty a organisé les transports avec le Mobibus(bus pour les invalides)
Je me sentais de mieux en mieux. Avec les Tchatcheurs, j’étais avec des gens comme moi(des personnes avec des cannes ou des fauteuils). Il y avait de la convivialité, de la gentillesse. Au début j’ai été surprise de voir des hommes qui ne parvenaient pas à maitriser les bruits du corps, mais ça n’avait pas d’importance. J’ai partagé des visites, des restaurants. à ces moments-là, j’étais comme une vacancière. Parfois les gens nous regardaient comme des bêtes de cirque ! mais ça non plus n’était pas grave. J’aime les réunions, car je retrouve mes amis, on s’occupe les uns des autres ; on chante, on joue,on prend l’apéro !
Yves organise les activités pour tous :
– transmettre des informations sur l’aphasie(documents, films, enquêtes, recherches..)
– contacts avec l’association d’Agen
– lieux des réunions,activités, promenades, sorties et colloque
– on fait le tour du monde quand des personnes parlent de leurs voyages
– philippe, acteur, nous fait faire de théâtre
– gerard suggère d’aller au spectacle, mais j’ai peur du bruit
J’aime vivre avec mon chat ; dans le silence. C’est tout ce que je souhaite.
Dans la journée, j’allume le télévision pour créer une atmosphère ; c’est comme une présence. je crée des cartes postales en dessinant des fleurs et je les envoies à mes amies. Je regarde par la fenêtre et je dessine la rue. Je tiens le papier avec mon bras droit et je dessine avec la main gauche.l’orthophoniste me donne quelques modèles.
Le 21 décembre 2007, Yves a organisé une exposition à toulouse avec les oeuvres de tous les adhérents-artistes sur le théme "Vivre maintenant... comme Avant"
Je suis dans la solitude mais aussi dans le calme, la musique douce, avec mon chat et parfois mes amis.
Maryvonne Semin, 2009